Des événements imprévus ont interrompu, trop longtemps à mon goût, le cours de ce blog des Épicuriales de Liège 2024. Nous l’avions laissé chez Yannick Bougnet pour le dîner du vendredi soir, 17 mai. Aujourd’hui, il reprend son cours pour vous raconter le déjeuner du lendemain, samedi 18 mai.

Liège est devenu pour moi une espèce de cocon, d’enveloppe protectrice. En raison de l’amitié qu’on m’y prodigue toujours, je me sens rassurée quand j’y vais. C’est une illusion et même une illusion regrettable, car le destin est toujours là, tapi derrière un rocher ; on a passé l’âge de croire au père Noël. Puisse l’évocation de ce déjeuner me ramener un instant à ce sentiment de sécurité, d’absence de souci, que me procure chaque séjour à Liège.

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Ce ne sera pas difficile, parce que je déjeune au Concordia. Cette brasserie située rue des Guillemins, tout près de la gare, a été fondée par un boucher en 1953 ; c’est une institution, elle est toujours là, elle a toujours été là. Il y a deux ans, elle était fermée pendant les Épicuriales parce qu’elle attendait une rénovation et j’étais en rage. Cette fois, c’est bon, c’est ouvert une bonne fois pour toutes (non-stop de midi à 22 heures tous les jours), je peux commander mon apéro sans problème.

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La rénovation a été intelligente : rien n’a changé, tout est encore dans son jus. Les boiseries acajou, les plantes vertes, la salle au murs en satin lilas. L’ancienne patronne, je m’en souviens, portait des pull-overs de la couleur exacte des murs et ses cheveux étaient d’un platine éclatant. Le serveur en gilet noir, je l’ai toujours vu ici. Quand je viens à Liège, je ne peux pas ne pas aller au Concordia. Par bonheur, il est juste en face de mon hôtel.

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Les Liégeois respectent, vénèrent le Concordia. On y sert une vraie cuisine « de tradition », ainsi que le rappellent les lecteurs du Guide des connaisseurs et les auditeurs de BEL RTL. En 2004. Mais vingt ans après, on y sert encore la même cuisine belge hors du temps. On peut par exemple commander des boulets sauce lapin et de la tête de veau, mais ça n’a rien d’inhabituel pour Liège. Quelques classiques à la carte : la tomate-crevettes, la cervelle de veau (vous avez le choix entre vinaigrette, beurre noir et tartare), les croquettes de crevettes grises ou de fromage de Herve, les cuisses de grenouilles à l’ail et/ou à la crème (vous pouvez avoir les deux si vous voulez)…

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On continue ? La bavette aux échalotes sauce bordelaise, le carré de cochon de lait aux fruits secs, l’entrecôte pour deux (qui est gigantesque, je l’ai vue), la côte de veau (nature, champignons-crème, grand-mère, façon Concordia), les rognons, le poulet à la Leffe, le vol-au-vent pommes frites, la sole meunière (avec frites), la truite aux amandes (à la crème), le cabillaud meunière sauce tartare et purée, la bouillabaisse de la mer du Nord (comment ça, « c’est quoi ? » Prenez le train et essayez), le jambonneau grillé au miel et à la moutarde, le lapin à la Leffe, et (défense de rire) un plat vegan (spaghetti de courgettes et champignons farcis). Une ribambelle de desserts où figurent dame blanche, mousse au chocolat, baba au rhum, crêpe flambée, profiteroles, nougat glacé, et parce qu’il faut reprendre des forces après un tel marathon, Irish coffee et café liégeois (le vrai, évidemment). Vous n’avez pas envie d’y aller ? Non ? Vous n’êtes pas normal.

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La grande spécialité du Concordia, l’incontournable, l’inénarrable, la raison pour laquelle je n’arrive jamais à commander autre chose, c’est l’américain-frites. Pour ceux qui ne parleraient pas belge, l’américain est la forme abrégée du filet américain, soit du steak tartare belge. Très différent du tartare français : haché plus fin et assaisonné au moment de servir, mais pas à table. L’assaisonnement est, pour l’essentiel, identique à celui du tartare classique, mais il inclut davantage de mayonnaise et un accent particulier, dans les accompagnements, est mis sur les petits oignons au vinaigre.

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Mon premier américain-frites au Concordia remonte au début des années 2010. Je le découvrais en même temps que le verre de Jupiler (où le niveau de la bière doit affleurer au niveau des couilles du taureau emblématique). Depuis, j’y reviens sans cesse. Un bon américain est onctueux, finement acidulé sans excès, et il passe tout seul, d’autant plus facilement qu’il est accompagné de frites.

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J’ai connu les frites du Concordia plus légères et plus croustillantes avant la rénovation. Pourrait-on rénover les frites dans l’autre sens ? Ce serait bien. Elles sont un peu dures sous la dent, quoique restant supérieures à la moyenne des frites. C’est peut-être une question de variété de pomme de terre ou de cuisson, je ne sais pas. Les bonnes frites belges sont d’abord reconnaissables à leur sonorité : elles font un bruit de verre brisé quand on les verse sur leur plat en inox.

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Plat en inox qui est aussi le support du filet américain préparé. On vous en sert une partie et on vous laisse le plat sur la table pour votre second service. Inutile de dire que les plats en inox repartent vides à la cuisine.

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Posés sur la grande desserte en verre qui occupe le milieu de l’avant-salle, deux cafés liégeois attendent leur décollage. Je forme le vœu d’être à Liège l’année prochaine, à la Pentecôte, pour les Épicuriales 2025. Avec un peu de chance, j’aurai peut-être pas mal d’embêtements derrière moi.

Brasserie-Restaurant-Friterie Au Concordia, 114, rue des Guillemins, 4000 Liège). Téléphone : +32 4 252 29 15. Service en continu de 12 heures à 22 heures tous les jours.